19e Congres du Conseil supérieur des Affaires islamiques – Le Caire
27 mars 2007
Toutes les religions monothéistes ont une même origine, Dieu, qui a créé l’univers, nous a envoyé prophètes et messagers et a révélé les Ecritures. Dans chacune d’elles, il nous a demandé de n’adorer que Lui, indépendamment de notre foi.
L’islam enseigne le respect de l’autre et la croyance en tous les livres saints de Dieu et dans les prophètes, sans discrimination :
ô les croyants ! Soyez fermes en votre foi en Allah, en Son messager, au Livre qu’il a fait descendre sur Son messager, et au Livre qu’il a fait descendre avant. Quiconque ne croit pas en Allah, en Ses anges, en Ses Livres, en Ses messagers et au Jour dernier, s’égare, loin dans l’égarement. (An-Nisa’ : 136)
La grandeur de l’islam réside dans son appel à la coexistence et au dialogue avec l’autre pour surmonter les différences d’opinion et pour instaurer la paix sur la terre. Il est également demandé aux adeptes des autres religions monothéistes de diffuser ces valeurs parmi les peuples, comme Dieu le dit dans le Saint Coran :
ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entreconnaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand-Connaisseur. (Al-Hujurat : 13)
La relation de l’islam avec “l’autre” depuis la naissance l’Etat islamique
Depuis le début de l’Etat islamique, les bases et les références ont été déterminées non seulement pour les relations Est-ouest, mais pour traiter avec les autres en général. Les musulmans se sont montrés immédiatement intéressés à maintenir l’égalité entre tous les peuples du Livre, surtout en matière de droits et de devoirs.
Le prophète Mahomet en a donné un bon exemple lorsqu’il a dit que les gens du Livre ont les mêmes devoirs et droits que les musulmans. Cela a permis d’établir des relations positives entre les premiers musulmans et les gens qu’ils ont rencontrés, lorsqu’ils ont émigré de la Mecque à Médine.
Le prophète Mahomet était profondément préoccupé d’établir des relations positives entre les Muhajirun (immigrants musulmans de la Mecque) les Ansar (autochtones musulmans de Medine et les Yahud (juifs). Il a élaboré le « Pacte de Médine », établissant une sorte d’alliance ou de fédération entre les 8 tribus de Médine et les Muhajirun. Il a précisé les droits et les devoirs des différentes communautés de Médine en tant que citoyens du premier Etat Islamique. Les gens du Livre jouissaient d’une liberté religieuse totale et leurs intérêts publics étaient garantis par l’Etat Islamique.
Cela était également très clair dans le traité signé entre Al-Faruq Umar Ibn Al-Khattab et le patriarche de Jérusalem, qui constituait une nouvelle phase de la relation de l’islam avec les gens du Livre. Cela montre la similarité entre tous les traités signés par les califes musulmans et les habitants des régions conquises, précisant en particulier les droits des gens du Livre sans discrimination.
Umar accorda sa protection aux habitants de la ville au terme d’une lettre remise à ce patriarche. Il garantit la sauvegarde des sites chrétiens et donna ordre à ses hommes de ne pas les détruire et de ne pas les utiliser comme habitations.
Malheureusement, beaucoup d’organisations travaillant dans le domaine du dialogue interculturel n’ont pas réussi à transmettre ce message de coexistence à un large public. C’est ce qui a essentiellement suscité l’intérêt et la préoccupation de l’élite. Par conséquent, je lance un appel pour que nous travaillions ensemble à élargir la base du dialogue afin de faire passer le message de l’élite au grand public.
Pendant que l’élite se rend compte de l’importance du dialogue, et en débat régulièrement, le grand public souffre beaucoup des conflits sectaires que personne n’a été en mesure de résoudre. Ces conflits donnent une parfaite occasion aux démagogues de promouvoir la discrimination raciale et religieuse de façon à obtenir des gains politiques qui n’ont rien à voir avec l’islam ou le Christianisme. En fait, cela va à l’encontre des paroles de Dieu dans le Saint Coran :
Certes, ceux qui ont cru, ceux qui se sont judaïsés, les Nazaréens, et les Sabéens, quiconque d’entre eux a cru en Allah, au Jour dernier et accompli de bonnes oeuvres, sera récompensé par son Seigneur; il n’éprouvera aucune crainte et il ne sera jamais affligé. (Al-Baqarah : 62)
Dieu ne fait pas de discrimination entre les fidèles musulmans, chrétiens et juifs. Tous sont égaux devant Lui.
Dieu édicte aussi des règles qui devraient être observées par les musulmans lorsqu’ils traitent avec les gens d’autres religions et doctrines:
Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement… (Al-Baqarah : 256)
L’islam était déterminé à traiter avec équité les gens du Livre et cela était clairement exprimé dans le Saint Coran.
Dis : ô gens du Livre, venez à une parole commune entre nous et vous : que nous n’adorions qu’Allah, sans rien Lui associer, et que nous ne prenions point les uns les autres pour seigneurs en dehors d’Allah.
Puis, s’ils tournent le dos, dites :
Soyez témoins que nous, nous sommes soumis. (Al Imran : 64)
Par conséquent, je puis dire en toute bonne foi qu’il n’y a :
– Pas de monopole de la foi en Dieu
– Pas de monopole de la parole de Dieu
– Pas de monopole de l’interprétation de la parole de Dieu
– Pas de monopole de la place de chacun près de Dieu
Les dangers qui menacent le dialogue entre l’islam et l’Occident
Lorsque je parle de la généralisation des jugements, je fais référence par là à une situation où, certains adeptes d’une religion ou d’un groupe commettant une erreur, cela donne lieu à des représailles envers tous les adeptes de cette religion, et peut-être envers la religion elle-même. Cette généralisation des jugements représente un grave danger pour les relations entre les peuples.
Dans le Coran, Dieu dit :
Or, personne ne portera le fardeau de l’autrui. Et si une âme surchargée [de péchés] appelle à l’aide, rien de sa charge ne sera supporté par une autre même si c’est un proche parent. Tu n’avertis en fait, que ceux qui craignent leur Seigneur malgré qu’ils ne Le voient pas, et qui accomplissent la Salat. Et quiconque se purifie, ne se purifie que pour lui-même, et vers Allah est la destination. (Fatir : 18)
A titre d’exemple, lorsque les Talibans ou les partisans de Ben Laden commettent des actes de violence au nom de leurs croyances extrémistes pour atteindre leurs buts, ce serait illogique et totalement injuste de généraliser et de considérer que tous les musulmans sont de violents extrémistes.
Il en va de même par exemple si nous estimons que le pape catholique a commis une erreur en interprétant la doctrine islamique ou en se référant au prophète Mahomet. Ce n’est pas une raison pour généraliser et dénoncer tous les chrétiens, car non seulement il y a des catholiques d’Orient qui ne suivent pas le pape catholique romain mais il y a aussi beaucoup de catholiques romains qui ont émis des réserves au sujet des paroles du pape.
Si nous remontons le cours de l’histoire, nous voyons que le catholique Saint François d’Assise, fondateur de l’ordre religieux des franciscains, était un fervent détracteur des Croisades. Et nous n’oublierons jamais l’humanité de feu le pape Jean- Paul II qui a invité tous les représentants de l’ensemble du monde religieux à venir à Assise pour partager un même idéal – prier ensemble pour la paix, l’amour et la coexistence.
Lorsque les israéliens lancent une attaque contre le Liban ou la Palestine, ce qui est répréhensible sur les plans moral, intellectuel et religieux, nous ne devons pas oublier qu’il y a des juifs et des israéliens qui s’opposent fermement à une telle agression et à une telle violence. Par conséquent, nous ne devons jamais dénoncer tous les juifs.
La généralisation des jugements représente peut-être l’un des plus graves dangers pour la coexistence pacifique et la communication entre les êtres humains. A cet égard, dans le Coran Dieu dit :
Toute âme est l’otage de ce qu’elle a acquis. (Al-Muddaththir : 38)
Une autre référence coranique, au sujet du rejet par l’islam de la généralisation des jugements, décrit l’idée de justice divine, l’idée que chacun est responsable personnellement de ses propres actes :
Allah n’impose à aucune âme une charge supérieure à sa capacité. Elle sera récompensée du bien qu’elle aura fait, punie du mal qu’elle aura fait. (Al-Baqarah : 286)
En d’autres termes, chacun de nous a été gratifié par Dieu de capacité et d’endurance et chacun de nous est récompensé en fonction de ses actes vertueux et puni en fonction des vices qu’il a commis.
La mondialisation selon une perspective islamique et l’importance des medias internationaux
Parmi les idées reçues du public, la mondialisation vise à anéantir les traditions, les coutumes et même les religions. Cependant, la forme de mondialisation prônée par l’islam serait susceptible de donner des opportunités à tous les peuples, sur les plans culturel, économique, scientifique et social – opportunités pour chacun de partager le meilleur de leurs idéologies, de leurs cultures et de leurs civilisations, pour le bien du monde entier.
Personnellement, je préfère parler d’internationalisation plutôt que de mondialisation dans la mesure où le mot mondialisation signifie conflit, certain prenant prétexte des conflits internationaux pour considérer la mondialisation comme un moyen donné aux plus forts d’écraser les plus faibles.
Lorsque l’on parle « d’internationalisation » en matière de croyances religieuses, il est clair que les valeurs précieuses des trois religions issues d’Abraham s’adressent au monde entier. Il ne fait aucun doute que, lorsque l’islam traite ouvertement avec l’autre et œuvre pour la paix en confrontant la répression, en établissant la justice, et en étendant la sensibilisation et la connaissance à l’humanité entière, l’islam est particulièrement à même de jouer un rôle vital en matière « d’internationalisation ».
Cependant, nous devrions ajouter que toutes les idées, les principes et les exemples dont nous parlons ici sont menacés et déformés par les medias régionaux et internationaux, car parfois les media internationaux préfèrent le sensationnalisme pour attirer à tout prix le plus grand nombre de lecteurs ou de spectateurs, généralisant ainsi les jugements sur un groupe tout entier ou une religion chaque fois que l’un de leurs adeptes commet une faute, au mépris total des conséquences dangereuses.
Lors de précédentes conférences, j’ai régulièrement souligné l’importance d’organiser une table ronde avec des journalistes avisés d’Occident et certains de leurs homologues du monde islamique, de manière à discuter du sujet urgent de trouver un compromis entre la liberté d’expression et un sens de responsabilité protégeant et respectant les droits de l’autre, surtout lorsque ce dernier devient victime de la forme d’expression qui met à vif les sensibilités pour un gain financier.
Je préfère une table ronde réunissant des professionnels plutôt qu’une conférence générale, car les conférences mettent en avant la rhétorique en faveur des opinions des participants, alors qu’une table ronde bien organisée de professionnels peut aboutir à des solutions possibles à cette question qui a fait l’objet de débats animés et pour laquelle l’islam a payé un lourd tribut.
Pour conclure, je prie Dieu de ne pas me tromper en disant qu’il n’y a pas de conflits religieux mais plutôt qu’il y a des conflits au sein des forces politiques qui prennent en otage les religions et les utilisent en vue de contrôler et détruire les autres.
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