Document présenté au Conférence mondial du dialogue La Ligue islamique mondiale – Madrid
18 juillet 2008
Je voudrais exprimer mon appréciation et mon respect au Gardien des deux saintes mosquées, le Roi Abdullah Bin Abdul-Aziz Al Saoud du Royaume d’Arabie Saoudite, pour son initiative historique considérée comme un tournant dans la voie du dialogue religieux.
Je voudrais également exprimer mon appréciation à la Ligue islamique mondiale et à son secrétaire, le Général Dr Abdullah Bin Abdulmohsen Al Turky, pour avoir assumé la responsabilité de l’organisation de cette conférence. La Ligue du monde islamique est bien connue par sa longue histoire dans le domaine du dialogue interreligieux et n’épargne aucun effort pour assurer la réussite de cette conférence.
Permettez-moi, en tant que musulman, de dire que je suis fier du regroupement des fidèles des trois religions monothéistes en réponse à une initiative lancée par les musulmans et encadrée par le Gardien des deux saintes mosquées qui nous a encouragés à se réunir et chercher des terrains d’entente en vue d’atteindre la paix, étroitement liée à la justice.
Je répète que je suis fier de cette initiative en tant que musulman, et j’espère que nous pourrons présenter au monde des représentations précises des religions mutuelles par les textes sacrés et les références de nos religions.
L’islam est la religion de la paix, de la modération et l’intermédiation. Je salue tous ceux qui ont choisi l’Espagne pour tenir notre conférence aujourd’hui, un pays qui a témoigné d’une coexistence pacifique entre les religions monothéistes.
L’avenir du dialogue
Permettez-moi de commencer par une proposition pratique : de suggérer sur une scène internationale l’idée d’établir une éthique pour une Charte du dialogue qui regroupe idées, règles, manières et objectifs déterminés par toutes les parties prenant part au dialogue. Je souhaite à cet effet présenter les idées suivantes :
Premièrement : accepter l’autocritique. L’autocritique comprend le respect de soi et de l’autre. Elle implique également le rejet d’un monopole de fait.
Deuxièmement : rejet de la généralisation, autrement dit ne pas évoquer ni juger l’occident ou le christianisme ou le judaïsme comme un ensemble homogène. Les musulmans doivent également appeler au rejet de la généralisation, de les juger en bloc, lorsque des musulmans commettent des crimes, tels ceux d’Al-Qaeda. Dieu sait que le Gardien des deux saintes mosquées et S.E. le grand imam d’Al-Azhar étaient les premiers à dénoncer les événements du 11 septembre.
N’oublions pas que l’islam nous a appris de ne point généraliser un jugement. Telles étaient les paroles du Tout Puissant, nous apprenant que lorsque nous parlons d’un groupe de personnes, il est important de recourir à la terminologie suivante : « certains parmi eux » ou « plusieurs personnes d’entre eux » ou même « la plupart d’entre eux » sans jamais généraliser.
Je voudrais humblement ajouter que l’autocritique et le rejet de la généralisation forment une attitude civilisée. Lorsque nous ajoutons ces deux points dans une Charte pour le Dialogue, nous lançons une initiative que d’autres suivront. Permettez-moi de vous parler librement. Je préfère mener des dialogues spécifiques plutôt que des dialogues d’ordre général et philosophique.
Voici quelques exemples de dialogues spécifiques : dialogue religieux, tout simplement parce qu’une religion rajoute de la valeur à une autre, au cours de la recherche des valeurs communes et des bases de coopération. Parallèlement, je crois que dans la période à venir, nous affronterons un grand défi, celui du passage du concept de la coexistence à celui de la coopération, autrement dit nous avançons vers une période de « travail commun ».
Le dialogue entre l’orient et l’occident ne se limite pas à l’est et l’ouest, c’est un dialogue « économique » qui se manifeste par la création de projets communs, par le biais desquels notre partie du monde tente d’occuper une certaine zone dans l’ensemble de la technologie mondiale, pour arrêter d’être les « copieurs » et des receveurs de transferts de technologie.
Messieurs, nous avons lu et saisi les Dix Commandements, comprenant l’Ordre de Dieu : « tu ne tueras pas ». Nous avons lu et appris la Constitution de la Médina élaborée par Mahomet pour définir les relations entre musulmans et non-musulmans. De plus, nous avons lu et compris le message de Jésus-Christ : comment l’amour est important et essentiel.
Aujourd’hui, au 21ème siècle, nous avons besoin d’une note exécutive regroupant toutes les chartes historiques mentionnées ci-dessus. Evidemment, nous avons besoin d’une position solide pour faire face au meurtre, à la torture, à l’oppression et au dédain général de la volonté du peuple. Je dis librement que, malgré les Dix Commandements, le message d’amour de Jésus-Christ et la Constitution de la Médina, certains de vos enfants tuent nos enfants innocents…et certains de nos enfants se suicident pour tuer certains de vos enfants innocents.
La prochaine conférence religieuse ne sera-t-elle qu’une simple présentation de paroles aux gens ? Courrons-nous le risque de perdre la confiance que portent les gens en l’efficacité de nos démarches ?
Posons-nous la question suivante : les dialogues religieux ont-ils atteint les objectifs souhaités ou pas ? La réponse sera sans doute: non. Malheureusement, les résultats des dialogues restent sans écho : ils demeurent dans les salles de réunions et de conférences. Je crois que nous désirons que nos messages résonnent au-delà des salles de réunions et de conférence. Pour ce, je dis que nous avons besoin d’un nouveau langage et d’une nouvelle méthode pour traiter le dialogue religieux, avant que ceux qui nous entourent ne perdent espoir face à la violence, aux attitudes agressifs et au blasphème lancés contre les valeurs de l’islam dans le monde.
Nous devons tous être courageux et mettre quelques uns en colère en annonçant la vérité et en dénonçant le mal, les mauvaises actions et les injustices, pour se ranger du côté de la vérité, la justice, l’égalité et la paix. Le dialogue doit aussi passer de l’élite à un public plus général en dépassant « la langue des conférences », et en adoptant « un langage de dialogue ». Nous devons travailler ensemble en vue de créer une éthique de la charte du dialogue, fondée sur le rejet de la généralisation et l’acceptation de l’autocritique.
Troisièmement : souligner de manière plus significative le rôle des pays et des organisations internationales dans le soutien du dialogue et de la confrontation des obstacles. L’absence d’une entente culturelle mutuelle entre les uns les autres figure parmi les raisons de la confrontation et du désaccord. Je pense qu’il est temps pour les fidèles des trois religions monothéistes de dire clairement avec une foi et une croyance solides, que nous ne sommes pas seuls croyants, mais qu’il y a d’autres, notamment en Asie. C’est le moment de tendre la main pour atteindre les valeurs communes de coopération, de fraternité et d’entente : la liberté et le bonheur de l’homme constituent notre ultime objectif.
De plus, je crois que la création d’un lien entre dialogue et coexistence nécessite une attention à la coopération culturelle entre les peuples.
L’illettrisme culturel mène aux confrontations et aux conflits. Aussi le dialogue religieux et la coopération culturelle mutuelle entre les peuples sont-ils étroitement liés. Malheureusement, nombre d’instituts travaillant dans le domaine du rapprochement culturel et du dialogue religieux n’ont pas réussi à transmettre le message de coexistence et de dialogue au grand public, le concentrant à l’élite de la nation.
Par conséquent, j’exhorte toutes les nations et les instituts concernés par la question du dialogue religieux à travailler ensemble en vue d’élargir la base de ce dialogue, pour le transférer de l’élite au grand public. Nous avons remarqué que c’est l’élite qui est au courant du dialogue et qui en parle. Nous avons également noté l’existence de questions graves et de problèmes sectaires qui restent sans solutions. Ce qui permet à ceux qui complotent et créent des conflits entre les religions et les races de remporter une victoire, aboutissant ainsi à des objectifs politiques sans aucun rapport avec l’islam ou le christianisme.
C’est également le moment pour les experts juristes de déterminer mais aussi de définir la différence entre l’extrémisme, la violence, la terreur et le droit légitime à la résistance. Nous ne pouvons pas permettre à ceux qui pratiquent l’injustice et l’oppression et qui privent les innocents de leurs droits, de tirer avantage de notre appel à la paix, à la coopération et la coexistence. En parvenant à la véritable justice au sujet des difficultés des peuples et leurs droits à la reconnaissance de leur dignité et leur souveraineté, un autre objectif primordial sera réalisé : celui du « respect de la vie et du droit à la vie. »
Enfin, j’assume la responsabilité de m’adresser à ces nations et aux organisations internationales, à la lumière des luttes actuelles qui s’aggravent sur le plan mondial, pour leur dire que je ne crois pas aux conflits religieux. Je crois qu’il existe des luttes pour le pouvoir politique, qui s’accaparent des religions pour garder le contrôle et poursuivre la destruction.
Quatrièmement : le rôle des mass médias et leur impact pour diffuser la culture du dialogue et la coexistence entre les peuples. Ainsi, les mass médias jouent un rôle primordial entre les spécialistes de notre région et ceux de l’occident, parce qu’à chaque fois que nous appelons à la présentation des véritables perspectives de l’islam ou du christianisme, le problème réside dans les mass médias.
Dans le passé, j’ai tenu des tables rondes pour les spécialistes des médias occidentaux et leurs homologues du monde islamique, en vue d’étudier des questions actuelles importantes. Je préfère ces tables rondes aux conférences dominées par des attitudes rhétoriques adoptées pour défendre les points de vue des participants. Les tables rondes que j’évoque sont tenues entre les spécialistes qui suivent un processus rationnel de recherche des moyens pour résoudre les problèmes de mauvaise interprétation des religions.
En tant qu’expert en médias, croyez-moi lorsque quand je vous dis que par le biais de réunions médiatiques, nous apprendrons à soulever ce genre de questions qui ne peuvent trouver de solution par les enquêtes ou les études. Ainsi, nous pourrons commencer à transformer le dialogue élitiste en un dialogue grand public, tout en créant une charte pour l’éthique du dialogue.
Voici quelques points à soulever au sujet des mass médias, permettez-moi de conclure mon discours en les mentionnant :
1. l’information est de nos jours une arme dangereuse. Cependant, elle peut être utilisée comme un outil pédagogique pour apprendre le rejet de l’extrémisme, de la violence et la terreur, en expliquant et clarifiant pour des milliers de personnes ce que les programmes et les conférences ne peuvent faire avec une telle efficacité.
2. De plus, l’information dépourvue de message, d’objectifs et de principes provoque les émotions des individus et mène à la violence. C’est une arme plus dangereuse que tout autre, qui tue les innocents, les gens honnêtes et modérés. Nous avons tous remarqué que lors des années passées comment un article ou une image ou un film défiant les valeurs d’une religion et ses symboles était capable de provoquer l’émotion de milliers de personnes. Pour ce, je crois qu’il est important de parvenir à un équilibre intelligent et objectif entre la liberté d’opinion, de pensée et d’expression, et de déterminer les lignes jaunes qui défendent et protègent les droits des autres pour un respect de leurs valeurs et de leurs symboles. Nous avons tous remarqué que les points de désaccord durant ces dernières années entre l’islam et l’occident étaient souvent associés à la transgression de ces lignes jaunes par les journaux occidentaux, violant la souveraineté et les symboles sacrés des croyances et des valeurs de l’islam. Ainsi, en vue d’abolir les points de désaccord, il importe de créer des liens et de bâtir des ponts de confiance mutuelle entre « l’islam et l’occident », en vue d’éviter « un dialogue de sourds. »
Conclusion
Je réitère que nous ne serons pas capables d’aboutir à des résultats sans en payer le prix. Je reconnais qu’il ne s’agit pas d’un combat facile et le terrain n’est pas pavé de fleurs. Il s’agit d’un combat féroce, un combat honorable, qui mérite notre sacrifice. Pour ce, le plan de travail à être proposé à une conférence de haut niveau pour le soutien du dialogue et la réforme inclurait :
L’élaboration d’une charte pour le dialogue religieux qui trace une feuille de route transformant le contexte du dialogue et visant, sans ignorer les différences, à développer une recherche des valeurs communes, créant ainsi un terrain d’entente pour une coopération mutuelle entre les religions.
La tenue de tables rondes soulevant les actions médiatiques qui mènent aux explosions, atteignant tout le monde. Idéalement, nous tiendrons des tables rondes regroupant vingt professionnels des médias islamiques et occidentaux.
Accordant une importance aux principes d’autoréflexion et d’autocritique qui sont indispensables pour le progrès de la vie et pour atteindre les objectifs du dialogue.
Il est indispensable de tenir une conférence internationale de haut niveau pour discuter du problème des manuels scolaires et de la vision de l’un l’autre transmise par ces manuels.
Enfin, je voudrais proposer les règles de base suivantes pour le dialogue religieux :
Aucun monopole sur la croyance en Dieu
Aucun monopole sur les paroles de Dieu
Aucun monopole pour définir les paroles de Dieu
Aucun monopole sur l’estimation de Dieu à l’égard de la position des Hommes
Pour conclure, chers frères, je confirme que le dialogue est à la fois une philosophie, une croyance et une lutte. C’est une action, une initiative audacieuse qui nécessite une volonté, et non un échange de gestes sociaux. C’est une confrontation entre violence et haine et une défense de l’amour. Enfin, c’est l’une des solutions qui permettra au monde entier de jouir de la paix et de la stabilité.
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