Est-Ouest : L’Art du dialogue
Fondation Shafik Gabr pour l’humanité dans l’action – Le Caire
2-16 juin 2013
Il est clair que depuis quelques années des points de désaccord sont apparus entre l’islam et l’Occident. Cela vient en grande partie du fait que certains medias occidentaux ont dépassé les limites de la décence en portant atteinte au caractère sacré des symboles islamiques . Pour y faire face, nous devons établir la confiance entre les pays islamiques et l’Occident de manière à éviter un « dialogue des sourds ». Examinons les exemples concrets pour illustrer la nécessité du dialogue culturel :
- Les crises de 2005 et 2006 survenues après que le journal danois Jyllands-Posten ait publié une douzaine de caricatures sous le titre «Le visage de Mohamed». Des centaines de milliers de personnes ont manifesté contre ces caricatures causant la mort de 250 personnes et blessant environs 800 personnes.
- Des heurts de même nature sont survenus en 2009 entre musulmans et des fonctionnaires suisses après l’interdiction des minarets en Suisse.
Au cours des quinze dernières années, le dialogue interreligieux a été l’une de mes préoccupations majeures et je suis arrivé à la conclusion qu’il est impossible de séparer le dialogue interreligieux du dialogue culturel. Je crois que ces conflits entres les religions sont le résultat surtout du manque de connaissance culturelle mutuelle.
Les plus grands ennemis de la coexistence sont, en fait, les heurts de tous genres qui découlent de l’ignorance de cultures différentes. C’est pourquoi le dialogue entre les gens ordinaires doit prévaloir sur le dialogue au sein de l’élite.
Depuis quinze ans que j’ai choisi le dialogue interreligieux comme l’une de mes préoccupations majeures, je suis parvenu à la conclusion, il y a deux ans, qu’il est impossible de séparer le dialogue des religions du dialogue des cultures.
En effet, les ennemis du dialogue, ce sont bien les heurts et les confrontations dictés par l’ignorance, et c’est bien le dialogue entre les peuples qui doit prévaloir sur le dialogue entre les élites.
De toutes ces années consacrées au dialogue des religions et des cultures, de Paris à Londres, de New York à Bruxelles, de Davos à Doha, d’Amman à Sharm El Sheikh, sans parler de la capitale du dialogue des civilisations, Madrid, j’ai bien tiré plusieurs leçons que je mets en toute modestie à votre disposition :
- Il est temps que les partisans du dialogue reconnaissent la nécessité de l’autocritique pour admettre que nous n’avons pas réussi, jusqu’à ce jour, à mettre le langage du dialogue entre les élites à la portée des masses populaires.
- Le dialogue ne portera pas ses fruits tant que chacun de nous n’osera pas mécontenter une partie des siens pour être à coté de la justice et du droit. Utile de répéter ici pour la seconde fois qu’il n’y aura pas de paix sans justice.
- Il est très nécessaire de répandre la culture du refus de la généralisation des jugements. Les erreurs et les crimes commis par Al Qaeda ne doivent jamais justifier d’en attribuer la responsabilité à tous les musulmans, généralisant ainsi les jugements. Même pour ce qui se passe dans les territoires occupés par Israël, les attaques et les violences ne doivent jamais nous amener à une condamnation généralisée de tous les Israéliens, car il y a, et il y aura toujours, des gens en Israël qui sont non seulement pour la paix maintenant mais pour la paix tout court.
En France, j’ai rencontré un problème avec les livres scolaires ; en 1956, au lendemain de la nationalisation du Canal de Suez, j’ai été surpris par un article en première page du journal « Le Figaro » intitulé « Réveille toi Martel ».
Sur le moment je ne savais pas qui était Martel jusqu’à ce que je me rappelle qu’il s’agissait effectivement de Charles Martel qui a arrêté l’avance arabe à Poitiers. Je me suis dit que peut-être l’auteur de l’article n’était pas une personne importante, jusqu’à ce que je découvre qu’il s’agissait rien de moins qu’André Siegfried, membre de l’Académie Française, donc un grand personnage.
Il m’a fallu deux ans pour le rencontrer et lui ai demandé la raison de cette référence à l’odeur de guerre sainte, pour un acte sur lequel on peut être ou ne pas être d’accord, à savoir la nationalisation du Canal de Suez et sa réponse a été d’une simplicité extraordinaire : « C’est ce que l’on a appris dans les livres scolaires. »
Je puis vous assurer que cela a été pour moi comme une vendetta à savoir d’avoir un regard sur les livres scolaires, sachant que chacun de nous a dans ses livres une référence négative sur l’autre. Et parlant toujours le même langage, j’étais sûr que cela était valable dans les deux sens.
Puis l’organisme du dialogue « ADIC » a vu le jour à Paris et en 1994 nous avons organisé une conférence à la Sorbonne ; cinq ans après je me suis attaqué au problème des livres scolaires, tout cela pour vous dire combien cela a pris de temps. J’ai alors compris que le problème des livres scolaires, ce n’est pas un problème du Ministère de l’Education nationale, mais bien la responsabilité de l’auteur.
J‘ai alors organisé une réunion avec des représentants du syndicat des professeurs et ai commencé à analyser les livres scolaires mais j’avoue qu’il y avait eu une expérience antérieure en Allemagne qui avait abouti à un changement.
Ils ont osé changer le mot « djihad » pour lui donner son vrai sens, à savoir la lutte contre ses propres maux.
Finalement, je prends la responsabilité de constater qu’il n’y a pas de conflit entre les religions mais plutôt des conflits entre les groupes politiques qui prennent la religion en otage pour servir leur plan de domination.
Il est temps d’encourager l’alliance universelle contre l’extrémisme, père de tous les maux inclus la violence. Il faut que tous les croyants affirment leur volonté de :
Refuser le monopole de la foi de Dieu à quiconque
Refuser le monopole des mots de Dieu
Refuser l’interprétation des mots de Dieu
Refuser le monopole de déterminer la place des êtres auprès de Dieu.
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