Al Ahram, 13/12/2006
Sans doute, les mois qui ont suivi la victoire du Hamas dans des élections libres, intègres et démocratiques, reconnues par tout le monde, ont mené à une confrontation avec la position du Fatah et l’Autorité palestinienne, dirigé par Mahmoud Abbas car Hamas refuse de reconnaître les accords conclus avec Israël, tel que l’accord d’Oslo. Ceci a conduit à une autre confrontation avec les institutions internationales ayant pris le parti d’Israël.
Ces dernières réclament la relance des négociations sous condition de la reconnaissance d’Israël et le désarmement de la Résistance. Ce n’est pas la première fois, sur la scène internationale, que se heurtent des principes tels que le droit d’un peuple dans le choix de son gouvernement à une réalité locale : une autorité légitime à savoir l’Autorité Palestinienne et une réalité internationale même injuste telle que celle des organisations européennes qui se sont arrêtées, pendant longtemps, d’accorder le soutien et l’aide à un peuple qui a payé cher de sa patience et sa souffrance.
J’ai tant hésité à écrire cet article pour qu’il ne soit pas considéré comme un coup dans le dos du Hamas. Mais je me suis habitué, en traitant de telles questions, à adopter le langage de la réalité que Kissinger appelle « Real politics ». Quels sont les éléments de cette réalité qui me poussent à parler: » Je conseille au gouvernement de Hamas de présenter sa démission avec honneur et dignité et de prendre fortement sa place légitime en tant que force d’opposition et de résistance. Cette force se considère, sur le plan stratégique, comme un négociateur de réserve dans l’avenir en cas de l’échec des négociations de paix.
1- La réalité montre que le monde extérieur insiste à empêcher la plupart des aides internationales et que les aides arabes qui ont pu franchir les frontières sont modestes. Une telle situation a épuisé le peuple palestinien et mené le gouvernement à une grave confrontation sur le plan du quotidien palestinien, citons à titre d’exemple l’incapacité de payer les salaires et l’explosion de la protestation des Palestiniens dans la rue, surtout les hommes de la police. Il ne faut pas négliger non plus les effets néfastes dûs à l’agression israélienne injuste sur les infrastructures. Cette agression ne distingue pas entre un civil armé ou un civil désarmé comme les vieillards, les femmes et les enfants et a transformé la vie des palestiniens en un enfer quotidien insupportable. En lisant chaque jour l’accroissement grave du taux de chômage et la baisse du niveau de vie sous le seuil de pauvreté, une question s’impose : Où va-t-on? S’attacher à la légitimité de la victoire du Hamas dans les élections au détriment de l’Organisation de la Libération de la Palestine suffit-il pour geler le mouvement? L’initiative est à Hamas, car laisser passer des mois permet ainsi à Israël de profiter de la situation actuelle pour ajourner la reprise des négociations visant à aborder la question de base : la libération des territoires occupés et le retour à la souveraineté palestinienne.
2- La plupart des gouvernements d’Israël et des Etats-Unis se sont ingéniés à manœuvrer de façon à reporter la reprise des négociations réelles de paix en ajoutant les gains accomplis sur le terrain en faveur de l’occupation. Ainsi, il faut faire face à toute politique visant à ajourner les négociations de paix et à consacrer le fait accompli.
3- Ce qui me pousse à me servir du langage de la raison et des calculs politiques, c’est que j’imagine – et je prie Dieu de ne pas avoir tort – que Hamas doit démissionner avant que la rue n’explose en réclamant ses droits à la nourriture, à l’eau potable et à un salaire que les fonctionnaires doivent toucher avant la fin de chaque mois, rejetant ainsi l’échec sur Hamas, même si Israël et les Etats-Unis en sont les responsables.
Je crois bien que la patience des peuples et leur capacité à supporter les difficultés de la vie quotidienne a toujours des limites. D’autre part, je ne voudrais pas que Hamas abandonne le pouvoir après de nouveaux affrontements dans la rue palestinienne entre Fatah et Hamas. Ceci conduira l’opinion publique à adresser un appel aux deux parties : « Assez! Assez! » Quant à l’autre aspect de cette situation : la démission digne et honorable de Hamas et le rejet de la responsabilité de cette démission sur les parties concernées montreraient que toutes les patries qui auraient entravé les missions de Hamas et paralysé ses actions, seraient responsables de cette démission qui confirmera l’hypothèse que Hamas refuse que la souffrance du peuple palestinien n’aille plus loin.
Prenez place au dernier rang derrière le négociateur palestinien tout en choisissant de faire parti de l’opposition et d’être une force de résistance consciente, une force qui constitue « une réserve stratégique » soutenant le négociateur palestinien en cas d’échec, une force qui pourrait distinguer entre soldats et civils désarmés dans les opérations.
4- Il y a également une autre réalité sur le terrain, imposée par la justice du Ciel: la défaite des Républicains dans les élections américaines. Ceux-ci ont décidé, dès leur premier jour, de s’allier inconditionnellement au gouvernement israélien. Tous deux ont effectivement refusé toutes les initiatives de paix même celles proposées par le Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.
En effet, la défaite des Républicains représente une petite lueur d’espoir permettant de mettre en vigueur tout ce que contient le rapport du Comité commun de James Baker qui a émis des recommandations concernant la situation au Proche-Orient. La plus importante en est le réengagement des américains envers le règlement du conflit Israélo- Palestinien dans la mesure où celui-ci mène à la réussite toute initiative de réforme de la situation en Irak. Un tel règlement doit être basé sur la solution de deux Etats, l’un israélien et l’autre palestinien, par le biais de négociations directes avec Israël. C’est à nous tous alors de rendre cette lueur d’espoir comprise dans les recommandations de James Baker, une réalité servant l’intérêt suprême de la cause palestinienne et non pas, encore une fois, un simple calmant.
Avant de conclure cet article, je dis: Je prie Allah de ne pas avoir tort dans mes calculs et ne pas être injuste envers Hamas dans mes prévisions et hypothèses. Je confirme ma demande à Hamas d’abandonner le gouvernement, la tête haute, sacrifiant même la légitimité pour l’intérêt supérieur du peuple palestinien.
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