Conférence de l’Ecole de théologie de Yale – New Haven, Connecticut
22 février 2010
Tout au long de l’histoire, la religion a été employée de manière à la fois valable et destructrice, comme une forte puissance pour le bien et un outil d’abus par ses fidèles. Lorsque nous examinons un texte sacré d’une religion, ce texte porte sans aucun doute une charte de morales, d’éthiques et d’éducation. Le problème ne réside donc pas au sein de la religion, mais par le comportement des individus qui commettent de graves erreurs, en matière de manipulation de textes saints, de la généralisation de la condamnation des autres et la manière d’éduquer leurs enfants.
Manipuler un texte saint désigne son isolation de son contexte, l’interprétation négative de son sens et l’influence de ses adeptes pour utiliser le texte en tant qu’excuse pour recourir à la violence et l’abus.
La généralisation de la condamnation est une tendance de certains adeptes d’une religion pour condamner tous les membres d’une autre religion, à cause des paroles ou du comportement de certains d’entre eux. Par exemple, lorsque les non-musulmans classent tous les musulmans en terroristes à cause de la violence d’al-Qaeda ; ou lorsque tous les chrétiens sont critiqués quand le pape a recours à de mots malheureux sur les musulmans et le Coran. Nous n’avons simplement pas le droit de généraliser et de dire « les chrétiens » ou « les musulmans » quand il s’agit des paroles ou des comportements d’individus, quelque soit leur position officielle au sein d’une religion. Le même exemple s’applique au peuple juif. Si un groupe d’israéliens ou si le gouvernement israélien commet un acte de violence ou d’injustice à l’encontre d’un peuple non-juif ou des autochtones, nous ne devons jamais généraliser ou blâmer le peuple juif tout entier.
L’éducation des jeunes basée sur une information incendiaire ou partiale sur d’autres cultures et religions constitue un danger mondial. La rectification de telles informations est une énorme responsabilité. L’impact de l’information dans les manuels est considerable à cause de ses empreintes durables au cours des premières années de la vie d’une personne. Nous devons noter que les manuels scolaires sont un outil puissant pour former l’avenir des relations états-uniennes-musulmanes.
A l’issue de vingt années de participation au dialogue interreligieux, je suis parvenu à la conclusion suivante : nous ne devons pas séparer culture et religion. L’entente culturelle, qui englobe la connaissance de l’histoire et des valeurs d’un peuple, peut fournir un soutien solide à l’entente religieuse. Le choc au Danemark il y a deux ans à cause d’une caricature du prophète Mahomet et la violence en résultant était plutôt un choc culturel et non pas religieux. Si nous poursuivons nos efforts pour partager nos cultures avec d’autres pays, il sera plus facile d’éviter des confrontations futures. Pour ce, j’ai changé, il y a trois semaines, le nom de l’organisation que je préside en France de « dialogue interreligieux » en optant pour « dialogue interculturel et interreligieux ».
L’histoire de la plupart des pays musulmans comporte des modèles de relations positives avec des pays à prédominance chrétienne, donnant un espoir dans l’avenir. Si nous prenons l’Egypte et les Etats-Unis en tant qu’exemple, il est peu connu que dans les années 1870, le chef d’Etat musulman d’Egypte, le Khédive Ismail, a nommé le Brigadier général Charles P. Stone en tant que chef d’état-major de son armée. En effet, quelques 50 officiers de laguerre civile ont servi en Egypte en tant que soldats, diplomates et cartographes.
Depuis 1877, l’Egypte a commencé à accueillir les présidents des Etats-Unis, à cette date le président Ulysses S. Grant. En 1922, les Etats-Unis étaient la première super puissance à soutenir et féliciter l’Egypte pour son indépendance du Royaume-Uni, et ce lorsque Warren G. Harding a accueilli l’Egypte au sein de la « famille des nations libres ». En 1943, Le Caire était choisi en tant que lieu pour la « conférence des cinq grandes puissances », une conférence historique délibérant du sort de la deuxième guerre mondiale. Et bien évidemment, les accords de Camp David du 26 mars 1979 signé par Al Sadat, Begin et Carter, ont initié une période de paix.
Enfin, nous aboutissons au discours historique du président Obama du 4 juin 2009, un discours au cours duquel les valeurs religieuses étaient amalgamées à l’objectif politique de faire régner la paix au Moyen-Orient, un exemple de l’honorable usage de la religion dans un contexte approprié. Mais, la déception fut ensuite exprimée à cause du manque de résultats concrets et rapides. Je voudrais mentionner de nouveau la demande du président Obama à partir de Doha, dans son discours télévisé il y a quelques jours, appelant à la patience, en accordant plus de temps aux bâtisseurs de paix pour effecteur leur travail. Et n’oublions pas que l’instauration de la paix est une responsabilité collective, qui dépend de chaque nation et chaque individu. Quant aux Egyptiens, riches de quelques 7000 années d’histoire, nous pouvons nous permettre un peu de patience !
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